mardi 9 mars 2010

Le truc dont je suis fière

L'année dernière, j'ai vraiment été chanceuse. Un jour, dans la rédaction du quotidien où je travaillais, on m'a proposé de partir au Tchad pour un reportage sur le réchauffement climatique.
Et ça a donné ça:

Dans le Kanem, le réchauffement climatique est une réalité



18.12.09

« On ne sait pas ce qu'on a fait à Dieu. Avant, la production agricole était meilleure, mais maintenant il ne pleut pas assez. » Assises sur une natte installée au milieu du petit village de Sourtanga, dans la région du Kanem (Tchad), trois femmes se disent désemparées face au réchauffement climatique. Même s'il ne comprend pas d'où viennent ces changements, tout le village a dû s'adapter à la situation. « Presque tous les hommes sont partis à la recherche de travail, raconte une habitante. Il suffit de voir à l'heure de la prière : la mosquée est vide, alors que d'habitude il y a une centaine d'hommes.»

Les hommes émigrent vers la capitale, N'Djamena, mais aussi vers les pays voisins du Tchad, comme la Libye, le Niger ou le Nigeria. Kadija connaît bien cette situation. Son mari, Ousmane, fait partie de ces « déplacés climatiques », tandis qu'elle est restée au village avec ses cinq enfants. En montrant ses mains abîmées, elle explique qu'elle a travaillé dur pour labourer dans les champs de mil, mais qu'elle n'a rien produit. « Nous sommes obligés de nous adapter, mais c'est difficile », déplore-t-elle.

Ousmane est parti depuis déjà deux ans à N'Djamena. Il lui envoie « la goutte d'eau », une partie de son salaire, pour que sa famille puisse survivre. Loin du paysage désertique de Sourtanga, cet ancien agriculteur vit maintenant en plein milieu de la capitale du pays, à six heures de route de son village. « Ici, je fais du petit commerce », raconte-t-il. Fruits, légumes ou essence, il vend tout ce qu'il trouve sur le marché de N'Djamena. « S'il y avait assez de pluie, je pourrais retrouver ma famille. Là, je ne sais pas quand je pourrais rentrer.»

Selon une étude de la Banque mondiale parue en juillet, le Tchad fait partie des douze pays qui risquent le plus d'être touchés par la sécheresse à cause des changements climatiques. Le Kanem, situé dans la ceinture du Sahel, est une zone particulièrement vulnérable.

Cette année, la saison des pluies a débuté tardivement, entraînant un déficit de pluviométrie dont les conséquences se font ressentir aussi bien sur le bétail que sur la production agricole. La production de mil et de maïs en 2008 est tombée à 24 894 tonnes. Il en faudrait près de deux fois plus pour pouvoir nourrir la population de la région, selon l'Office national du développement rural.

Au pouvoir depuis 1947, le sultan du Kanem a vu ce changement climatique. «Avant, on pouvait cultiver des bananes, des oranges ou des mangues facilement, se souvient le vieillard. Il suffisait de creuser à deux mètres de profondeur pour trouver de l'eau dans les ouadis [oasis]. Alors que maintenant, il faut forer jusqu'à huit ou dix mètres.»

Selon Action contre la faim, dans l'ensemble du Tchad, depuis le début de l'année, plus de 700 000 têtes de bétail sont mortes, essentiellement des bovins, sur un total de 2,5 millions de bêtes, et 400 chameaux, des animaux pourtant résistants, n'ont pas survécu à la sécheresse.

Envoyée spéciale au Tchad, S.C





Un lac en voie de disparition


« Un jour, il n’y aura plus d’eau. Ni eau, ni poisson, ni commerce ». Le constat de Mohamat El Hadji Adam, un habitant de Bôl, un village situé au bord du lac Tchad, est sans appel. A 41 ans, il se souvient encore du temps où le lac arrivait jusqu’à son village. « Quand j’étais enfant, j’habitais à une quarantaine de kilomètres à l’est de Bôl. En sortant de l’école, je pouvais aller me baigner. Maintenant il me faudrait aller plus loin », raconte-t-il.

Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le lac à perdu plus de 70% de sa surface depuis les années 1960. Une diminution qui n’est pas sans conséquence. Le lac, qui s’étend sur le Tchad, le Niger, le Nigéria et le Cameroun, représente un véritable enjeu économique, car, selon la FAO, il permet à 11 millions de personnes de vivre de la pêche et de l’agriculture. Or la mauvaise pluviométrie dans la région s’est fait fortement ressentir sur les fleuves qui alimentent le lac. «Avant, il y avait trois fleuves tchadiens, un du Niger et un du Nigéria qui alimentait le lac, explique le gouverneur de la région, Oumarou Yerima Djibrila. Mais maintenant, ce sont principalement le Chari et le Logone (Tchad), les autres se sont asséchés ».

Autour du lac, les hommes s’adaptent comme ils peuvent. Un piroguier, qui transporte hommes et marchandises vers le Nigéria, explique que lorsqu’il n’y a pas assez d’eau par endroit pour que sa pirogue à moteur puisse passer, il se voit contraint à utiliser des pagaies. Du côté des pécheurs, la situation est critique. « La production diminue d’année en année, et on ne pêche que des petits poissons », confie l’un d’eux.

Face à la disparition progressive du lac, les autorités tentent de mettre en œuvre des mesures, et ont, par exemple, interdit aux pécheurs d’utiliser des filets trop petits. Mais c’est surtout le réchauffement climatique qui est pointé du doigt, et contre lequel il est difficile d’agir seul. « L’homme est victime de ses excès, et nous sommes tous responsables, affirme le gouverneur. Quand il y a un problème en matière d’écologie, il ne faut pas dire que ça vient des pays du Nord ou des pays du Sud. Nous devons être tous solidaires. »

Envoyée spéciale au Tchad, S.C



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